La loi sur le partage de la valeur, dont le but est d’encourager les entreprises à redistribuer les fruits de l’entreprise aux salariés, a été adoptée en Commission Mixte Paritaire (CMP) le 15 novembre. Après un éventuel passage devant le Conseil constitutionnel puis la publication au Journal Officiel (JO), la loi sera considérée comme définitivement adoptée.

Contexte

Pour rappel, le projet de loi de partage de la valeur résulte d’une négociation entre les partenaires sociaux qui avait abouti à un Accord National Interprofessionnel (ANI).

Après un passage devant l’Assemblée nationale et le Sénat, apportant au texte initial quelques amendements mineurs, un consensus a été trouvé entre députés et sénateurs en CMP.

Le texte définitif est donc adopté sous réserve d’une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel. La loi sera ensuite promulguée au JO.

Nouveaux dispositifs de redistribution, modification du régime de la Prime de de Partage de la Valeur (PPV), nouvelles obligations à la charge des entreprises : ce projet de loi prévoit de nombreux mécanismes, impactant la paie, et permettant de mieux redistribuer aux salariés. Faisons un point sur les principales mesures qui entraîneront des conséquences sur la paie.

Prime de partage de la valeur

La loi prévoit une évolution du régime de la Prime de Partage de la Valeur (PPV).

Versement de 2 PPV sur une année civile

Pour rappel, le dispositif actuel prévoyait la possibilité de verser une seule prime par année civile, dont le versement pouvait être fractionné en 4 fois (une fois maximum par trimestre).

La loi offre maintenant la possibilité de verser 2 PPV sur une année civile. Cependant, les montants cumulés seront exonérés dans la même limite de 3 000 € ou 6 000 €. Cette mesure permet d’offrir plus de souplesse aux employeurs.

Elle entrera en vigueur dès le lendemain de la publication de la loi au JO.

Versement sur un plan d’épargne

La loi prévoit que les salariés qui décident de placer tout ou partie de la PPV sur un plan d’épargne (plan d’épargne entreprise, plan d’épargne interentreprise et plan d’épargne pour la retraite collectif) pourront bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu. Cette exonération s’entend dans les mêmes limites de 3 000 € ou 6 000 € par an.

Lorsque l’employeur versera la PPV, le salarié aura le choix de placer celle-ci sur un plan d’épargne dans un délai qui sera fixé par décret.

Maintien du régime renforcé d’exonération pour les entreprises de moins de 50 salariés

Pour rappel, jusqu’au 31 décembre 2023, la PPV est exonérée de cotisations sociales, de CSG/CRDS et d’impôt sur le revenu à hauteur de 3 000 € ou 6 000 € par an (en cas d’accord d’intéressement) pour toutes les entreprises et pour les salariés percevant une rémunération inférieure à 3 SMIC.

À compter du 1er janvier 2024, quel que soit l’effectif de l’entreprise, la prime reste exonérée de cotisations sociales dans la limite de 3 000 € ou 6 000 € pour tous les salariés percevant une rémunération inférieure à 3 SMIC. Cependant, pour les entreprises de 50 salariés et plus, la loi prévoit désormais que la CSG/CRDS et l’impôt seront dûs. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, le régime renforcé d’exonération est maintenu, la prime reste donc exonérée de CSG/CRDS et d’impôt.

Le nouveau régime social et fiscal de la PPV est détaillé dans le tableau ci-dessous.

Obligation de partage en cas de bénéfice

Pour les entreprises en bénéfice, la loi prévoit deux mécanismes pour contraindre ces dernières à négocier ou verser un mécanisme de partage de la valeur.

Obligation de se doter d’un dispositif de partage de la valeur

Pour une durée de 5 ans à compter de la promulgation de la loi, les entreprises en bénéfice auront l’obligation de se doter d’un dispositif de partage de la valeur.

Deux conditions cumulatives sont requises pour que l’employeur soit soumis à cette obligation :

  • Entreprises de 11 à moins de 50 salariés
  • Réalisation d’un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 exercices consécutifs (par exemple, pour l’exercice 2025, on regardera les exercices 2022, 2023 et 2024)

Lorsque ces deux conditions sont réunies l’employeur devra verser un dispositif de partage de la valeur au choix :

  • Intéressement ou participation
  • Participation dérogatoire prévue par le projet de loi
  • Abondement d’un plan d’épargne salariale
  • Versement d’une PPV

Obligation de négociation en cas de bénéfice exceptionnel

Lorsque l’entreprise réalise un bénéfice exceptionnel, elle sera dans l’obligation de tenir une négociation sur le partage de la valeur. Cette obligation ne vaut que pour les entreprises de plus de 50 salariés.

Concrètement, lorsque les entreprises ouvriront la négociation pour mettre en œuvre un dispositif de participation ou d’intéressement, les discussions devront également porter sur :

  • La définition d’une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice : la loi précise les critères pris en compte (taille de l’entreprise, secteur d’activité, bénéfices réalisés lors des années précédentes, etc.)
  • Les modalités de partage de la valeur qui en découlent pour les salariés

Ce dispositif entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi au JO.

Plan de partage de la valorisation de l’entreprise

Le plan de partage de la valorisation de l’entreprise est un nouveau dispositif facultatif introduit par la loi, permettant aux salariés de bénéficier d’une prime de partage de la valorisation.

Un décret est en attente pour que ce dispositif soit pleinement opérationnel.

Forme et contenu de l’accord

Conditions de forme de l’accord

Toutes les entreprises qui entrent dans le champ d’application de l’intéressement, peu importe l’effectif, peuvent mettre en place un plan de partage de la valorisation de l’entreprise. Deux conditions cumulatives doivent cependant être remplies pour que ce plan soit effectif :

  • L’accord doit être conclu sur rapport spécial du commissaire aux comptes de l’entreprise
  • L’accord doit être déposé auprès de l’administration dans des conditions fixées par décret

Conditions de fond de l’accord

Selon la loi, l’accord devra, a minima, définir les informations suivantes :

  • Le montant de référence
  • Les éventuelles modulations du montant de référence entre les salariés
  • La formule de valorisation pour les entreprises non cotées
  • La date d’appréciation de la valeur de l’entreprise qui constituera le point de départ de la durée de 3 ans du plan
  • La ou les dates de versement des primes

Salariés bénéficiaires

La loi prévoit que les salariés bénéficiaires du plan sont ceux ayant au moins 1 an d’ancienneté. Cependant, rien n’empêche de prévoir une condition d’ancienneté inférieure dans l’accord.

L’ancienneté s’apprécie à la date fixant le début du délai des 3 ans.

Ne peuvent donc pas bénéficier du plan :

  • Les salariés qui atteindront la condition d’ancienneté au cours de la durée des 3 ans du plan
  • Les salariés quittant définitivement l’entreprise pendant cette même période de 3 ans

Montant de la prime

Les primes dues aux salariés sont arrêtées dans les 7 mois qui suivent l’expiration du plan. Elles pourront être versées en une ou plusieurs fois au cours des 12 mois suivants.

La prime se calcule de la façon suivante : un montant de référence auquel on applique un pourcentage.

  • Montant de référence : base attribuée à chaque salarié au titre de l’accord. Une modulation est possible selon la rémunération ou la durée de travail.
  • Pourcentage appliqué au montant de référence : il correspond au pourcentage de variation de la valeur de l’entreprise (pourcentage de variation entre la valeur de l’entreprise à la date fixée par l’accord et sa valeur à l’expiration du délai des 3 ans)

Si la valeur de l’entreprise n’augmente pas au cours des 3 ans alors le montant de la prime est nul.

Le montant maximum pouvant être versé correspond à 3/4 du Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS).

Régime social et fiscal

Les primes versées en 2026, 2027 et 2028 bénéficient d’un régime social et fiscal de faveur :

  • Régime social : prime exonérée de cotisations sociales et assujettie à la CSG/CRDS. Une contribution sociale patronale de 20 % est également due au profit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
  • Régime fiscal : prime exonérée dans la limite de 5 % des 3/4 du PASS pour les sommes placées sur un plan d’épargne salariale ou un plan d’épargne retraite.

Mise en place d’un régime de participation moins favorable

Afin de favoriser la mise en place de la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés, la loi prévoit la possibilité d’appliquer une formule dérogatoire de participation pouvant mener à un résultat moins favorable que la formule légale.

Cette pratique sera autorisée uniquement pour les entreprises de moins de 50 salariés qui ne disposent pas déjà d’un accord de participation. Les entreprises qui appliquent déjà un mécanisme de participation à la date d’entrée en vigueur de la loi ne pourront opter pour le régime dérogatoire qu’en concluant un nouvel accord de participation.

Cette possibilité sera ouverte sur une période de 5 ans à compter de la promulgation de la loi.

Avance sur l’intéressement ou la participation

L’avance sur l’intéressement était admise par l’administration, et était interdite pour la participation par la Cour de cassation.

Désormais, la loi admet la possibilité pour un accord de participation ou d’intéressement de prévoir le versement d’avances.

Si les droits définitifs sont inférieurs à la somme des avances reçues, le salarié devra rembourser le trop-perçu. Ce remboursement prendra la forme d’une retenue sur salaire ne dépassant pas 10 % du montant des salaires exigibles. En outre, si le trop-perçu est affecté à un plan d’épargne salariale, il ne pourra pas être débloqué et sera traité comme un versement volontaire du bénéficiaire. Cela signifie qu’il n’y aura pas de droit aux exonérations fiscales et sociales sur le trop-perçu.

Cette mesure nécessite un décret pour entrer en vigueur.

Texte élaboré par la commission mixte paritaire : Partage de la valeur au sein de l’entreprise (senat.fr)