Depuis plusieurs semaines, le projet de loi réformant les retraites est débattu au Parlement. Celui-ci, faisant l’objet de fortes oppositions et de vives contestations sociales a été adopté sous l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Revenons sur les suites du projet ainsi que ses impacts.

Contexte

Le 10 janvier 2023, la première ministre, Elisabeth Borne, présentait la réforme des retraites envisagée par le gouvernement. Cette réforme, portée par le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale Rectificative (PLFSSR) pour 2023, a été présenté en Conseil des ministres puis débattu à l’Assemblée nationale et au Sénat. Le texte initial a été amendé à diverses reprises pour finalement être approuvé en Commission Mixte Paritaire (CMP).

Pour être adopté le texte devait être voté par une majorité à l’Assemblée nationale. Craignant de ne pas avoir une majorité sur ce texte, le gouvernement a décidé de l’adopter et d’engager sa responsabilité sous l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Cet article permet d’interrompre tout débat sur le texte en discussion. Suite à l’usage de l’article 49 alinéa 3, deux motions de censure ont été déposées. Celles-ci ayant été rejetées, le PLFSSR pour 2023 est considéré comme adopté le 20 mars 2023.

Le texte pourra être adopté et promulgué sous réserve d’une censure du Conseil constitutionnel. Celui-ci, a un mois pour se prononcer sur la constitutionnalité des dispositions. Il pourra valider la loi ou la censurer en partie ou en totalité.

Étant donné les circonstances et les fortes mobilisations sociales résultant de ce projet de loi il est toujours possible pour Emmanuel Macron de ne pas promulguer ce texte ou de demander au Parlement une nouvelle délibération.

Le projet peut donc encore évoluer mais étudions toutefois les impacts de ce projet sur la paie, tel qu’il a été adopté sous l’article 49 alinéa 3.

Report de l’âge légal de départ à la retraite et allongement de la durée de cotisation

Report de l’âge de départ à 64 ans

Dispositif initial

Pour rappel, dans le cas général, l’âge avant lequel il n’est pas possible d’arrêter de travailler pour bénéficier d’une retraite à taux plein est 62 ans.

Dispositif adopté

Le projet de loi prévoit de relever l’âge de départ à la retraite à 64 ans à compter du 1er septembre 2023. Dans ce cas, l’âge légal sera augmenté de 3 mois par an à partir des personnes nées le 1er septembre 1961 (cf. Tableau ci-dessous).

Cette mesure fait l’objet d’une vive contestation sociale et l’opposition de gauche a déclenché, via l’article 11 alinéa 3 de la Constitution, la procédure du Référendum d’Initiative Partagée (RIP). Cette procédure permet de soumettre à référendum une proposition de loi si un cinquième des membres du Parlement et un dixième du corps électoral y est favorable.

Dans ce cadre, la gauche à déposée une proposition de loi qui vise à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut pas être fixé au-delà de 62 ans. Si cette proposition est validée par le Conseil constitutionnel, le corps électoral disposera de neuf mois pour y apporter son soutien. Si le seuil est atteint le Parlement devra examiner cette proposition et l’adopter ou la rejeter. S’il n’a pas statué dans les six mois, le président de la République devra organiser un référendum.

Aujourd’hui, la proposition de loi est examinée par le Conseil constitutionnel. Ce report de l’âge légal n’est donc pas définitivement acté et peut encore changer.

Accélération de la durée de cotisation à 43 ans

Dispositif initial

Pour rappel, pour partir avec une retraite à taux plein à 62 ans les assurés doivent avoir cotisé un certain nombre de trimestres. La durée d’assurance requise différait selon l’année de naissance du salarié : les assurés nés à partir de 1973 devaient avoir cotisés 172 trimestres.

Dispositif adopté

Le projet de loi accélère le passage à 172 trimestres en prévoyant que les assurés nés à partir de 1965 devront avoir cotisé les 172 trimestres pour bénéficier d’une retraite taux plein.

Ci-dessous le tableau récapitulatif de l’âge de départ en retraite et de la durée d’assurance requise en fonction de l’année de naissance pour bénéficier d’une retraite taux plein.

À noter qu’à partir de 67 ans, les assurés peuvent prendre leur retraite sans qu’une décote ne soit appliquée sur le montant de leur pension même s’ils n’ont pas cotisé le nombre de trimestres requis. Le projet de loi ne prévoit pas de modifier cette règle.

Revalorisation de la pension minimale

Dispositif actuel

Le montant de la pension vieillesse ne peut pas être inférieur à un minimum contributif. Ce montant est majoré lorsque l’assuré a cotisé au moins 120 trimestres.

Dispositif adopté

Le gouvernement souhaite que les actuels et futurs retraités bénéficient d’une pension minimale au moins égale à 85 % du SMIC.

Pour les futurs retraités, à compter du 1er septembre 2023, le minimum contributif sera revalorisé de 100 € par mois pour les assurés ayant cotisé tous leurs trimestres à temps plein au niveau du SMIC. Pour les assurés n’ayant pas une carrière complète la revalorisation se fera au prorata de la durée d’assurance.

Pour les retraités actuels, qui ont liquidé leur pension vieillesse avant le 31 août 2023, s’ils ont cotisé 120 trimestres et qu’ils justifient d’une carrière complète alors leur pension sera également revalorisée de 100 € par mois. De la même manière que pour les futurs retraités, s’ils ne justifient pas d’une carrière complète, la revalorisation se fera au prorata.

Dispositions sur l’emploi des seniors

Index senior

Le projet de loi prévoit que les entreprises devront publier des indicateurs concernant l’emploi des seniors. Cette obligation entrera en vigueur progressivement selon la taille de l’entreprise :

  • Entreprises d’au moins 1 000 salariés : 1er novembre 2023
  • Entreprises d’au moins 300 salariés : 1er juillet 2024

Les entreprises de moins de 300 salariés ne seront pas soumises à cette obligation.

Indicateurs

Les indicateurs devront porter sur l’emploi des seniors et les actions mises en place par l’entreprise pour favoriser leur emploi. La liste sera fixée par décret.

À noter que selon le secteur d’activité, des accords de branche pourront être négociés pour adapter les indicateurs au secteur. Un décret sera également établi pour délimiter la marge de manœuvre des partenaires sociaux dans la négociation des indicateurs se substituant aux indicateurs règlementaires.

Publication

Les modalités de la publication n’ont pas encore été définies. Elles feront l’objet d’un décret ultérieurement.

Sanction

Aucun chiffre légal d’emploi des seniors doit être atteint par les entreprises. Seule l’absence de publication de l’indicateur sera sanctionnée.

CDI sénior

Lors des débats sur le projet de loi de réforme des retraites, le Sénat a introduit l’idée d’un CDI de fin de carrière pour inciter les entreprises à recruter des personnes plus proches de la retraite. La version finale telle que présentée ci-dessous est issue du compromis trouvé en CMP. Ce compromis est bien moins ambitieux que ce qui avait été imaginé initialement par le Sénat.

Conditions de mise en place

C’est uniquement en cas d’absence de négociation interprofessionnelle sur l’emploi des seniors demandeurs d’emploi au 31 août 2023 que le CDI fin de carrière pourra être mis en place. Ce CDI est donc un dispositif supplétif applicable à titre expérimental du 1er septembre 2023 au 1er septembre 2026 si la négociation interprofessionnelle n’aboutit pas.

Pour pouvoir recourir à ce contrat, l’employeur devra s’assurer que la personne a au moins 60 ans et qu’elle est demandeur d’emploi de longue durée.

Modalités du CDI

Le projet de loi ne précise pas les modalités du CDI. C’est la convention collective ou l’accord de branche étendu qui devront définir :

  • Les activités concernées
  • Les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat
  • Les modalités selon lesquelles, l’employeur peut mettre le salarié à la retraite dès lors que celui-ci dispose des trimestres pour bénéficier d’une retraite à taux plein
  • Les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite
Avantage pour l’employeur

Les rémunérations versées au salarié durant les 12 premiers mois d’exécution de son contrat sont exonérées de la cotisation patronale d’allocations familiales. Par exception, cette exonération ne sera pas applicable aux rémunérations versées au salarié percevant une pension de vieillesse servie par un régime de retraite légalement obligatoire.

Rénovation du compte professionnel de prévention

Le C2P a été mis en place pour aider les salariés, exposés tout au long de leur carrière à des facteurs de risques professionnels et de pénibilité. Les facteurs de risques sont les suivants :

  • Travail de nuit
  • Travail en équipes successives alternantes
  • Travail répétitif
  • Activités en milieu hyperbare
  • Températures extrêmes
  • Bruit

Le compte professionnel de prévention (C2P) étant aujourd’hui très peu utilisé par les salariés, le gouvernement a décidé d’améliorer ce dispositif.

Évolution sur l’acquisition des points

Acquisition des points proportionnelle au nombre d’expositions

Aujourd’hui, un salarié exposé à un facteur de risque acquiert 4 points et un salarié exposé à plusieurs risques, peu importe le nombre, acquiert 8 points.

Le projet prévoit que désormais le nombre de point acquis par le salarié soit proportionnel au nombre de risques auxquels il est exposé. Cela signifie que le salarié acquiert toujours 4 points s’il est exposé à un risque puis 8 points s’il est exposé à 2 risques, 12 points s’il est exposé à 3 risques…etc.

Cette mesure nécessite un décret d’application pour être mise en œuvre.

Acquisition illimitée

Aujourd’hui, il est impossible pour le salarié de cumuler plus de 100 points sur son C2P au cours de sa carrière.

Le projet prévoit de supprimer le plafond. Les salariés pourront au cours de leur carrière acquérir un nombre illimité de points.

Un décret sera également nécessaire pour que cette mesure s’applique.

Utilisation des points

Nouvelle possibilité d’utilisation : reconversion professionnelle

Aujourd’hui, le salarié peut utiliser ses points pour :

  • Bénéficier d’une action de formation pour accéder à un emploi non exposé ou moins exposé aux risques professionnels
  • Réduire sa durée de travail tout en maintenant sa rémunération pendant une période
  • Financer une majoration de sa durée d’assurance vieillesse et partir à la retraite avant l’âge légal

Le projet de loi institue une quatrième manière d’utiliser les points : la reconversion professionnelle. En effet, le salarié pourra utiliser ses points pour financer un bilan de compétence, une action de validation des acquis de l’expérience ou encore une formation pour un métier non exposé à des risques professionnels. Concernant la formation, il aura la possibilité de la suivre en tout ou partie sur son temps de travail.

Les points acquis par le salarié seront transformés en euros et alimenteront son Compte Personnel de Formation (CPF). Le nombre de points requis et le taux de conversion des points en euros seront fixés par décret.

Meilleure valorisation pour le départ anticipé en retraite

Aujourd’hui, 10 points du C2P font gagner un trimestre d’assurance vieillesse à l’assuré. La limite étant de 8 trimestres le salarié pouvait partir à 60 ans au lieu de 62 ans.

Sur ce point, le projet de loi ne prévoit aucun changement. Si l’âge légal de départ à la retraite évolue, comme prévu par le projet de loi, à 64 ans alors les salariés pourront partir à 62 ans. Le projet prévoit toutefois que désormais les trimestres acquis dans le cadre du C2P seront pris en compte pour la détermination de la durée d’assurance.

Évolution du régime social des indemnités de départ

Indemnité de rupture conventionnelle individuelle

Dispositif initial

La rupture conventionnelle est un mode de rupture amiable ouvert à l’employeur et au salarié dans lequel les parties se mettent d’accord sur les conditions de la rupture.

Aujourd’hui, le régime social et fiscal de l’indemnité diffère selon que le salarié est en droit ou non de bénéficier d’une pension retraite :

  • Le salarié est en droit de bénéficier d’une pension retraite : indemnité soumise en totalité à cotisations sociales, CSG/CRDS et aux impôts.
  • Le salarié n’est pas en droit de bénéficier d’une pension retraite : indemnité exonérée dans certaines limites de cotisations sociales, CSG/CRDS et d’impôt. Cependant, le forfait social est dû à hauteur de 20 % sur la fraction d’indemnité exonérée de cotisations sociales.
Dispositif adopté

Le projet prévoit qu’à compter du 1er septembre 2023, lorsque le salarié est en droit de bénéficier d’une pension retraite, l’indemnité sera exonérée de cotisations sociales et de CSG/CRDS dans les mêmes limites que pour les salariés ne pouvant pas bénéficier d’une pension retraite. Pour les salariés en droit de bénéficier d’une pension retraite, l’indemnité restera soumise à impôt.

Également, le forfait social sera supprimé et remplacé par une contribution patronale de 30 % due sur la fraction d’indemnité exonérée de cotisations.

Indemnité de mise à la retraite

Dispositif initial

L’employeur peut mettre à la retraite un salarié en CDI sous certaines conditions. Dans ce cas, il lui verse une indemnité de mise à la retraite.

Cette indemnité est exonérée, sous certaines limites, de cotisations sociales, CSG/CRDS et d’impôt. L’employeur doit toutefois payer une contribution spécifique de 50 % calculée sur le montant de l’indemnité y compris la fraction exonérée de cotisations.

Dispositif adopté

Le projet de loi prévoit que cette contribution patronale s’élèvera désormais à 30 %. De plus, elle sera due uniquement sur la fraction exonérée de cotisations.

Lien du projet de loi : PROJET DE LOI (assemblee-nationale.fr)