Par Magalie Chantreau, responsable Veille Sociale chez Proginov

Une jeune femme serre la main d'une autre avec le sourire lors d'un entretien

En France, la question de la gratification des stagiaires a suscité l’attention ces dernières années, soulignant l’importance de reconnaître la contribution des stagiaires et de garantir des conditions équitables pour tous. Les récentes modifications réglementaires et un certain vide juridique m’amènent à faire le tour des obligations et des bonnes pratiques en la matière.

La règle

Pour rappel, les organisations ont l’obligation de gratifier (et non pas de « rémunérer ») les stagiaires à partir du moment où ils ont effectué 2 mois minimum de stage dans l’entreprise, même s’ils ne sont pas consécutifs. Mais rien n’empêche de donner avant cela !

Le montant minimum est indexé sur le Plafond Journalier de la Sécurité Sociale : 15 % de ce plafond, soit actuellement 4,35 € de l’heure. Ce montant représente par ailleurs la limite d’exonération Urssaf.

Mais il ne faut pas oublier les avantages accessoires :

  • Le remboursement des frais professionnels (déplacements, achats de fournitures ou de matériel, etc.)
  • La cantine : s’il y prend ses repas, le stagiaire doit contribuer à hauteur de 50 % de l’avantage en nature des repas, soit 2,68 € actuellement.
  • Les tickets-restaurant : le stagiaire doit en bénéficier au même titre qu’un salarié.
  • La prise en charge des abonnements de transport public à hauteur de 50 %.
  • Il doit également bénéficier des activités sociales et culturelles organisées par le CSE.

Mon conseil

Donnez un reçu mensuel de la gratification en détaillant tous ces points (les heures effectuées, le montant versé, les avantages en nature, etc.). En effet, cela laissera une trace en comptabilité, et sera utile en cas de contrôle Urssaf. D’ailleurs, l’organisme est assez friand de ce sujet qui n’est pas toujours facile à justifier 3 ans après le départ du stagiaire. D’autant plus que la nouveauté 2024, c’est que le Net Social tient compte des gratifications de stagiaires et que l’employeur doit le leur signifier.

Bien évidemment, il faudra penser à délivrer également une attestation de fin de stage, mais ce point est plutôt bien appliqué dans les entreprises.

Le vide juridique actuel concernant les contributions à la formation continue et à la taxe d’apprentissage

Petite vigilance à apporter si la gratification est au-dessus des 4,35 €/heure : l’entreprise doit délivrer un bulletin de salaire car il est soumis aux charges sociales (cotisations Urssaf). En revanche, le stagiaire n’acquiert pas de droits au chômage, ni à la retraite et ne cotise pas à la prévoyance. Les contributions à la formation continue et à la taxe d’apprentissage sont collectées depuis janvier 2022 par l’Urssaf. Or, un vide juridique s’est installé depuis le début de l’année sur ce sujet : en décembre 2023 est apparue pendant 1 mois une nouvelle doctrine dans la FAQ de l’Urssaf stipulant que les stagiaires et les mandataires n’étant pas titulaires d’un contrat de travail, ils ne devaient pas cotiser à la formation continue et à la taxe d’apprentissage. Les derniers redressements Urssaf allaient aussi dans ce sens. Cependant, le GIP MDS (Groupement d’Intérêt Public Modernisation des Données Sociales) a exprimé qu’il n’était pas à l’origine de ce revirement, et qu’une réflexion globale entre tous les acteurs devait être initiée. L’article a donc été supprimé sur le site de l’Urssaf.

En attendant une nouvelle décision, les gestionnaires de paie doivent prendre position, soit de manière prudente (en appliquant les cotisations), soit en se basant sur la doctrine Urssaf. En fonction de la solution retenue, des éventuelles régularisations seront à apporter… comme trop souvent malheureusement, ce que l’on peut déplorer. On voit ici la complexité de notre écosystème où de nombreux acteurs sont impliqués et où la concertation n’est pas toujours fluide.

La DSN

Enfin n’oubliez pas de déclarer dans la DSN les stagiaires qui n’ont pas de bulletins de salaires. Pour y arriver facilement, mieux vaut s’équiper d’un SIRH qui possède une base de données pour gérer les stagiaires et intérimaires, comme c’est le cas de Proginov RH !

Les dernières choses à penser

Enfin, je rappelle les points suivants :

  • Les quotas sont de 3 stagiaires maximum pour les entreprises de moins de 20 salariés et 15 % des effectifs au-delà.
  • N’oubliez pas de désigner un tuteur et d’assurer un suivi régulier du stagiaire.
  • Pensez à justifier son temps de présence par tout moyen : en lui faisant par exemple signer un relevé d’heures hebdomadaire ou mensuel.
  • N’oubliez pas de valoriser les avantages en nature dans le calcul du contrôle de la limite d’exonération. La partie qui dépasse est soumise à charges.
  • Notez-le sur le registre du personnel, ce point sera vérifié en cas de contrôle par l’inspection du travail.
  • Délivrez-lui son attestation de stage, comme évoqué précédemment, car il pourra ainsi demander à racheter ses trimestres pour sa retraite.
  • Depuis la rentrée 2023, les stagiaires des filières professionnelles ont une indemnité de stage progressive, prise en charge par l’état, ce n’est donc plus à l’employeur de les gratifier.

N’oubliez pas que recevoir une gratification pour un stage peut avoir un impact positif sur l’employabilité des stagiaires. Une expérience professionnelle rémunérée est souvent valorisée par les employeurs lors de la sélection des candidats postulant pour un premier emploi. Les compétences acquises et la capacité à s’adapter à l’environnement professionnel sont des atouts précieux qui peuvent différencier un candidat sur le marché du travail.

Elle incarne également l’engagement des entreprises envers le développement des jeunes talents et la création d’un environnement de travail équitable.

Alors que la législation encadre cette pratique, de nombreuses entreprises vont au-delà des exigences minimales pour offrir une expérience enrichissante aux stagiaires, les préparant ainsi à leur future carrière professionnelle.